La Taverne Fumante

Necomortis arriva en ville après quelques temps d'absence. Il s'était reclus dans la forêt pour tirer des leçons de ses précédentes aventures. Le soleil venait à peine de se lever et le vent faisaient plier les arbres, il pleuvait. L'être, couvert comme habituellement de sa cape, marchait comme s'il ne prenait pas conscience de la tempête qui se préparait en se dirigeant vers la taverne.

Cela faisait très longtemps qu'il ne s'était pas rendu à la Taverne Fumante. L'odeur agréable de l'hydromel et des choppes de bières lui rappelèrent ses quelques aventures dans ce lieu si familier : quelques bagarres, cuites, discutions avec ses amis. Néanmoins la taverne était plus paisible que d'habitude, où étaient passés ses compagnons?

L'elfe s'assit comme à son habitude à la table du fond, commanda un verre d'hydromel et se reposa comme à son habitude. Il semblait dans un sommeil profond bien que ses sens étaient éveillés, guettant la moindre présence familière.

Une fois bien à son aise, le jeune Troubadour aux humeurs quelques fois farfelues, traversa la clairière conduisant à l’entrée du village…

Malgré la violence des pluies soudaines que venait de subir lui aussi le bel hameau de Turbino, les larges rues empierrées et le sol des ruelles tortueuses fait d’un mélange de terre sablonneuse s’asséchaient rapidement. L’on pouvait donc déceler facilement les traces encore fraîches laissées par les rares passants, en cette heure hâtive…

Voici donc qu’il se laissa guider par son plaisir urgent de satisfaire un appétit qui se faisait de plus en plus sentir. Ses trippes criaient famines dans un brouhaha sonore tellement spectaculaire, qu’il craignait fort que les habitants les entendent encore cachés à l’abri et à la bienfaisante chaleur de leur maison. Il devinait les gens cloîtrés derrières leurs volets clos, s’amusant en éclats de rire magistraux, à imaginer ses pauvres boyaux qui allaient éclatés en des hurlements de panique…

À l’approche de la Taverne Fumante, à l’angle plus large de la grande rue, il se mit à courir… se grattant d’une main le cul, comme si quelques vicieuses visiteuses, s’affairaient à s’émerveiller de ses bijoux familiaux…

Un bon bain ne s’rait pas de refus, songea Nylarad, retenant de l’autre main, les bretelles de son sac en cuir, pendu en bandoulière, et qui menaçait de le quitter, vu son train d’enfer…

D’un pied qui se voulait des plus à l’aise, il fit claquer la porte qui grincha malgré elle sur ses gongs… et s’avança en hurlant si fort, que les visages saisis de surprises, se tournèrent d’un même accord vers lui…

-Qu’on m’apporte à manger, je me meurs de faim… Et la soif me tenaille à tel point, que j’en ai les boyaux collés… J’suis quand même pas un chameau des déserts… pour transporter sur mon dos, une bosse de bière ou une jarre débordante de denrées…

Le bruit cessant, comme si l’on venait de couper la langue à chacun des clients attablés, l’on pu y voir se dessiner sur les faces ahuries d’étonnements, une vaste combinaison d’expressions étonnées, dérangées, offusquées qui en disaient longs sur son entrée plutôt fracassante…

Des yeux ronds exorbités, des lèvres pincées dans des rictus criant l’incompréhension, le dégoût d’être dérangés par un vulgaire saltimbanque aux habits crottés. Des mains occupées qui s’arrêtent de bouger blanchissant sous l’effort, des mâchoires entrouvertes suspendues dans le vide comme dans l’attente de la mouche gourmande aux yeux globuleux ; sur lesquels l’on pouvait voir se refléter la bouillie à moitié mâchouillée…

Tournant en rond tel un pantin désarticulé, Nylarad se cherchait un coin où s’asseoir enfin, devant une assiette bien garnie, pour un repas bien mérité…

Il trouva finalement ce qu’il cherchait après avoir accompli ses mimiques incontrôlées. Une table toute proche, s’esseulait à s’offrir en échange de quelques piécettes d’or. Il fit donc quelques pirouettes de plus, se laissant tomber dans un geste disgracieux, d’une lenteur calculée…

Nylarad le Troubadour aimait surprendre et par-dessus tout, il aimait choquer par ses manières de piètre pitre, empreintes d’une étourderie légendaire…

Le spectacle terminé, le bourdonnement des conversations recommença à s’animer, se mêlant rapidement aux bruits familiers des ustensiles et des plats qui s’entrechoquent dans une cacophonie rassurante. Les odeurs alléchantes des plats arrivaient aux narines élargies du jeune homme, avide de s’empiffrer jusqu’à ce qu’il dégueule d’un vain plaisir assouvie…

Il aimait en effet manger plus que sa part… et surtout boire de la bière en quantité incroyable… Surtout celle de pissenlit, bien brassée, longuement reposée dans des fûts de chêne, pour lui donner cette couleur ambrée si recherchée, et savant dosée d’une quantité égale de malt et d’orge mondé…

Et ce qu’il aimait encore davantage, lorsqu’il se calait un pichet, s’écoulait le long de son menton fortement carré, qui lui donnait l’air prétentieux des aventuriers de grands chemins. Cela s’appelait pour son palais habitué, la crème des crèmes des nectars divins, cette mousse si épaisse, qu’on l’aurait dit barattée comme la crème du beurre, mais juste avant de tourner… Et il adorait la lécher de sa langue charnue, la ramenant dans des gestes compulsifs, de peur d’en perdre tant soit peu, vers ses babines gonflées…

Il attendit quelques instants, que vienne à passer un des serveurs faisant le service…

Necomortis était en plein dans ses songes lorsque ses sens furent mis en éveil car les odeurs des cuisines firent trembler sa panse bien plus fort que n'importe quel séisme.

L'elfe se cru en plein spectacle : les senteurs de viande saignante, de légumes bouillonnants et de sauce à l'ail qui s'entremêlaient avec une telle grâce étaient accompagnées d'une mélodie jouée par un orchestre symphonique composé d'ustensiles de cuisines, des hurlements des nains et des rires des femmes causés par des troubadours. Quelle ambiance!

Il s'éveilla lentement lorsqu'un claquement de porte le fit sursauter. Un homme de petite taille (il devait mesurer près d'un mètre soixante) hurla qu'on lui serve de quoi manger et boire. *Il peut pas s'assoir et attendre qu'une jolie serveuse passe comme tout le monde?* pensa l'elfe. Il détestait ce genre de personnes qui aimait tant se faire remarquer auprès de leur "public" : on appelait cela un troubadour.

Necomortis demanda gentiment un nouveau verre d'hydromel ainsi qu'un plat bien garni tellement sa faim était intense.

Il dévisagea ensuite l'homme venant d'entrer dans la Taverne. Il était bien bâti et était relativement bronzé *Encore un paysan qui se crois plus fort que les autres...*. De plus sa chevelure longue et noire lui donnait surement un franc succès auprès des dames.

Le troubadour exerça ensuite une pirouette en s'empressant de rejoindre une table où il s'empiffra d'une quantité énorme de nourriture et de bière. Ce comportement fougueux a lla limite de la puérilité plaisait à Necomortis. Il lanca à l'homme : "Hey toi! Viens voir par ici que je te paye quelques verres et que tu me raconte tes aventures a travers poèmes et chansons! Tu divertira un peu les autres en même temps!"

Necomortis vis l'homme le regarder bizarrement. En effet l'elfe était encore couvert de sa cape ce qui lui donnait surement un air maléfique. Il la retira et laissa découvrir ses cheveux longs et blancs attachés. Ce qui impressionna surement le troubadour étaient ses yeux d'un rouge très sombre pensa-t-il car il mis un certain temps à réagir.

"Alors, tu viens?" lanca l'elfe.

Nylarad s’essuyait les restes dégoulinants de son repas à peine engloutis, du revers de sa manche bouffante, lorsqu’une voix s’éleva au dessus du vacarme enjoué de la salle à manger…

La Taverne Fumante grouillait en effet de vie, car la matinée avancée avait accueillie des gens que la faim tenaillait. Sans oublier surtout, ceux que la soif attirait ou d’autres encore, que l’aventure sans doute appelait, en ce lieu de prédilection pour les rencontres animées et les discussions enlevées…

Le jeune troubadour jeta un regard intéressé au alentour… Était-ce à lui que l'on s'adressait ? songea-t-il rempli d’une narcissique satisfaction à peine contenue. Quelqu’un avait-t-il déjà besoin de sa présence si exubérante ?

C’est alors qu’il remarqua l’Elfe aux yeux couleur rubis, qui le lorgnait d’un air insistant, faire un geste de la main l’invitant à sa table…

Nylarad surpris et conquis à la fois, regarda bizarrement cet homme aux cheveux blancs et sa cape à son côté, se disant qu’il n’était pas étonnant que sa présence si enjouée intéresse l’inconnu. Car les Elfes à ce que l’ont dit, ne sont-ils pas généralement de grands érudits ?… et leurs savoir ne passe-t-il pas lui aussi, par la quintessence de la poésie.

Prenant le temps nécessaire afin de bien vider son gobelet d’étain, il se lèche une dernière fois les babines huileuses en n’épargnant surtout pas la riche mousse qui allait sans aucun doute malencontreusement se perdre à tout instant en un mince filet liquide… et le dépose sur la table dans un geste décidé…

Il fait râler les pattes de sa chaise sur le plancher aux larges planches équarries, en s’extirpant gauchement de sa table… et d’un pas légèrement vacillant, il marche vers celle de l’Elfe.

Arrivé sans encombre à sa table, malgré l’alcool qui lui monte déjà à la tête… il se présente sur-le-champ en fanfaron qu’il est…

- Mais je viens que le diable me soit témoin… à votre table, Messire l’Elfe aux profonds yeux si ronds d’un rouge d’enfer aux éclats de braises… Qu’il me soit permis selon votre aise, de m’y assoir en si charmante compagnie !

Le troubadour avait accompagné tout ce verbiage de gestes amples dans une salutation touchant le ridicule… mais il paraissait fier de sa brillante prestance…

- Qu’entendis-je à l’instant, de votre bouche plus que généreuse… rien de moins pour la mienne valeureuse, que l’offre si alléchante d’un pichet, d’une pinte ou d’un gallon bien rond, de ce divin nectar que l’on appelle parfois, la bière cervoise servie avec un plaisir courtois !

Tirant de son propre chef la chaise devant lui, il ramassa la cape, s’en couvrit les épaules… Pour ensuite finalement s’y assoir ou plutôt s’y jeter, afin de poursuivre ses étranges élucubrations...

- Alors ils accouchent ses écus, qu’au plus vite on se la fasse cette potion ! Que j’ai une soif de loup… me direz-vous il est bien trop tôt ! Mais qu’advienne les heures, je souffre d’un grand malheur !

Les poches vides et la gorge qui se meurt… d’une bière j’ai envie… afin que je puisse satisfaire, cette hâte que vous avez certainement de tout connaître de moi… De peur que l’ennuie, vous fasse dormir bien assis bien vite, sur cette chaise de bois…

L'homme réagit enfin à l'appel de Necomortis et le signala en le regardant d'un air étonné. Il réussit à rejoindre la table sans encombre en titubant légèrement, l'elfe trouva impressionnant le fait que cet homme réussit à éviter les quelques nains qui trainaient à ses pieds lors de cette pseudo-expédition.

L'homme se présenta ensuite à lui en tenant des propos à la limite du grotesque en exécutant des gestes exagérés comme lorsque l'on se présente à un roi où un prince. Necomortis se retint de rire mais il acquiesça la demande d'autorisation à s'assoir du troubadour avec un sourire ravi : enfin un peu de distraction et sait-on jamais, peut-être y trouverais-il un compagnon avec qui il faisait bon vivre. En effet, depuis quelques temps sa vie était devenue ennuyeuse et malgré les apparences l'elfe n'était pas entièrement asocial.

Necomortis regarda ensuite le troubadour finir son discours les yeux attirés par la choppe posée sur la table. L'homme tira ensuite violemment la chaise et se couvrit de la cape. Il demanda ensuite que l'elfe lui paye de quoi boire en échange de ses belles paroles.

"Tu manque pas de culot dis donc! Premièrement, évite de toucher à cela si tu veux éviter les ennuis..."

Ce fut la seule fois où l'elfe le regarda d'un air menaçant, ses yeux rouges brillants plus fort encore que les flammes des Enfers, et il lui retira d'un geste si habile et si vif qu'il ne dût s'en rendre compte que quelques temps plus tard. Le voleur qui semblait crispé se décontracta et sourit à nouveau au troubadour.

"Sinon à part ça tu m'as l'air drôlement enjoué. Je veux bien te payer quelques verres mais évite de décuver devant moi et raconte moi tes quelques aventures. Si tu le souhaite, je te raconterais peut-être les miennes plus tard."

Il fit ensuite un signe discret à une serveuse magnifique qui s'empressa de servir un verre d'hydromel à Necomortis ainsi qu'une énorme choppe de bière à l'homme.

"Au fait, comment te nommes-tu mon brave? Avec toute cette agitation on dirait que j'ai oublié les bonnes manières."

Nylarad, fort encouragé par l’accueil de l’Elfe, fut presque saisi de stupeur lorsque ce dernier lui arracha la cape dans un mouvement tellement rapide, que c’est à peine s’il le réalisa…

Par contre, il ne fut pas dupe du regard menaçant que l’aventurier lui lança…

Tandis qu’une jeune et fort jolie serveuse leurs apportait à boire, il réfléchit tout en rapprochant sa chope de bière près de lui…

« C’est qu’il m’a l’air bien prompt ce gaillard au beau visage »… songea Nylarad… « et ses deux billes de feu peuvent quant à elles, vous jetez toutes les flammes de l’enfer… Il serait intelligent de jouer d’la prudence… tu n’sais pas qui il est, ni de quoi il est fait… À le voir, ainsi tout chaud devant tes pitreries, on le dirait tout doux minet… mais dans le doute, la vigilance est de mise… On n’sait jamais quand il sortira ses griffes… Alors de lui méfie-toi… »

Alors sur ses gardes, le jeune troubadour s’empressa de retrouver son sourire naïf…

-Nylarad, que j’réponds quant on m’appelle… bredouilla le jeune homme d’une voix un peu plus pâteuse…

Tenant sa chope d’une main appuyée sur la table, et de l’autre chassant les grosses mouches trop à l’aise à son goût… il s’approcha de l’individu se penchant un peu plus…

- Ho ! Lala ! Mon fier Elfe… et de toi je n’sais rien !… Mais dis-moi aussitôt à l’oreille, qui es-tu pour faire taire le vacarme ? Normalement à cette heure, les bruits de la taverne augmentaient de plus belle…

Alors Nylarad recula bien doucement, se calant satisfait au fond de sa chaise… ses pensées trottinaient de plus belle, vers ses jérémiades complaisantes…

… « Tu peux bien oublier tes bonnes manières… trop occupé à admirer ton reflet briller sur l’eau de la rivière », ria-t-il en lui-même, songeant à la réputation légendaire des Elfes… « et te plaire en reluquant hautement les gens… Je t’ai à l’œil… y’a rien à faire ! Je t’aurai à l’usure, car ma verve est fière et mon âme altière, tel un chien de garde, je montrerai les crocs, le moment venu… »

L'homme avait l'air moins sûr de lui après que Necomortis l'ai avertit de ne pas toucher ses affaires. L'elfe remarqua qu'il resta un léger moment dans ses pensées lorsque Nylarad, ainsi ne nommait-il, avait commencé à se présenter. Il demanda ensuite à l'elfe de se présenter d'un air intéressé.

"Necomortis, que je réponds quant on m’appelle…" lui lança-t-il avec un ton légèrement ironique.

"Et pour ce qui est de faire taire le vacarme..."

Il se dirigea lentement vers l'oreille de Nylarad qui semblait impatient.

"J'ai acquis une certaine réputation ici... Disons que j'ai réussis à me sortir d'une situation terrifiante à l'arène, déclenché quelques bagarres et débarqué le corps en sang à moitié mort. Mon arrivée à toujours l'air synonyme de malheurs pour cette Taverne... Néanmoins ce n'est pas souvent moi qui cherche les ennuis, sauf lorsque l'alcool me monte au cerveau... Mais passons, aujourd'hui devrait être une bonne journée"

Il sourit gentiment au troubadour qui semblait néanmoins légèrement déstabilisé et toujours songeur.

L'elfe regarda quelques duels au bras de fer des nains qui semblaient parier des choppes de bières et s'amusaient à draguer la jolie jeune serveuse. Il tapota ensuite la table avec ses doigts faisant transparaître une certaine impatience mais l'homme semblant toujours pensif lorsque Necomortis décida prendre l'initiative.

"Et que nous vaut votre présence mon cher artiste? Quelles fabuleuse aventures avez-vous vécus?"

Le voleur sourit à nouveau à l'homme, décidément il ne pouvait s'en empêcher mais personne n'aurait pu remarquer s'il s'agissait d'un air sympathique ou antipathique. Néanmoins il semblait pressé d'entendre les histoires de l'homme qui se tenait en face de lui bien qu'il fût certains qu'il n'en vécu qu'un quart.

Nylarad écouta d’une oreille étourdie, l’Elfe Necomortis raconter ses faits d’armes… bien trop occupé qu’il était à songer à ce qu’il allait bien pouvoir lui concocter comme vanteries de ses prouesses…

Le jeune troubadour ne pouvait s’empêcher de renchérir ses propres actions… imbu qu’il était de la magnifique personne qu’il croyait être, et de ses piètres performances au combat… Il ne se lassait jamais, dans un pompeux verbiage, de laisser au passage glisser une image merveilleuse de ses pauvres péripéties ; comme l’on jette de la poudre aux yeux, voulant ainsi faire croire à de légendaires faits d’armes …

En vérité, Nylarad se débrouillait bien du mieux qu’il le pouvait lors des combats ; mais le plus souvent, il préférait la fuite ou la ruse, à l’effort que demande le maniement courageux et efficace d’une épée…

Il voyait briller l’éclat du désir dans les yeux de l’Elfe, lorsque de jolies serveuses aux formes gracieusement bien tournées passaient entre les tables…Cela lui plaisait, car il aurait ainsi l’avantage d’une arme de plus, si un besoin pressant se faisait sentir… L’on ne connaissait jamais, ni le lieu ni l’heure où la cupidité humaine se tournait contre elle-même…

- Et bien …mon ami Messire Necomortis… je n’saurais vous dire combien de ces braves, mon épée à transpercée lors de joutes, de risques ou d’interminables quêtes… Mes fers ont croisés bien plus de lames, que vous n’oseriez croire ou que vous fusses capable de vous imaginer… Mais sachez cependant… que l’humilité qui me sied si bien, ne saurait faire ternir la gloire de mes actions, ni faire taire les légendes nombreuses de mes valeureux combats que l’ont entend au détour des chemins…

S’arrêtant de peur de perdre ses mots, tant sa gorge sèche s’acharnait à ne plus laisser rien sortir… il tire à lui sa chope de bière et d’une traite, il avale tout son contenu…

Et d’un rot magistral, il montre sa satisfaction… content et heureux de se sentir aussi bien…

Cela faisait un moment qu’une petite vieille assise sur une chaise dans un coin de la taverne regardait deux individus pour le moins étonnants. L’un affichait une mine joyeuse et faisait sans cesse des gestes plus ridicules les uns que les autres tandis que l’autre semblait plus réservé.
Ah ça, elle aimait bien observer les étranges personnages la p’tite vieille. D’ailleurs ce fût à travers un amas de fumée qu’un Nain venait de recracher de sa pipe qu’elle crut reconnaître un troubadour connu de la taverne. Cela faisait un moment qu’elle l’attendait d’ailleurs ! Elle adorait les chansons et les histoires la p’tite vieille.

Marchant d’un pas lent et saccadé, accompagné du lourd claquement de son baton, elle s’approcha des deux individus et s’assit à la table.

« Bien le bonjour les jeunes plantes, moi c’est Ginette Grognard. Et vous là, c’est pas vous qui vous faites appelé Nylarad ? Hein ? Bah oué qu’c’est vous, j’le savais bien. Avec votre joyeuse mine vous racontez d’bien belles histoires. Si, si ! Et c’est pas qu’mon mari m’fait chié à la baraque et que j’préfère venir pour vous entendre mais bon… Quand même hein. Alors z’avez quoi d’beau à raconter aujourd’hui ?»

La p’tite vieille avait dit cela sans interruptions de manière à ce qu’aucun des deux personnages ne puissent en placer une, mais il semble maintenant qu’la p’tite vieille s’est arrêté de parler…

Nylarad demeura estomaqué devant l’impertinence bien libertine de la petite vieille qui s’était approché presqu’en claudiquant et s’aidant d’un vulgaire bout de bâton qui marquait le parquet de bois de coups saccadés…

Et voici qu’elle en remettait en ayant l’audace, sans doute inconsciente chez elle, vu son manque évident de toute éducation, d’oser s’asseoir sans même une invitation de la part des deux aventuriers en grand palabre agité…

Mais c’est qu’elle a la langue bien pendue, songea le jeune troubadour, maintenant offusqué de tant d’outrageuses familiarités, qu’il fit apparaître d’incroyables mimiques dessinant des rictus insaisissables sur son visage juvénile, malgré son âge au début de la maturité; voulant ainsi désapprouver le comportement discourtois de la vieille…

Mais cela faisait partie de son jeu… Il lui était absolument impossible de ne pas se montrer supérieur aux gens qui l’entouraient, de peur de ne pas se sentir important…

Il voyait bien qu’en réalité la vieille parlait de bon cœur…

- C’é t’y Ginette la Grognarde que vous z’avez dit que vous vous z’apelliez ? lui balança Nylarad, un tantinet hautain… Car dans ce cas, j’ai justement une petite ballade, qui vous rappellera quelques souvenirs de jeunesse, hélas oubliés, vu l’âge de votre bâton de jouvence et les détails de son tronc…

Le jeune voleur avait observé les détails de son bâton, certainement taillé au couteau d’une main malhabile… et d’innombrables coups de lame dont il avait été attaqué, ressemblaient aux nombreux sillons d’une profondeur étonnante qui se dessinaient sur le pauvre visage parcheminé de la vieille…

Mais avant, voyez le géant au grand cœur devant vous… Necomortis l’Elfe au regard de rubis, je vous présente, et il s’avança pour lui baiser la main…

Savourant son geste ridicule, il songeait aux touchants sourires sur les lèvres devant un spectacle si farfelu… Pour finalement se lever et de sa main relever sa cape en la faisant virevolter vers son dos, dégageant ainsi ses habits aux couleurs disparates…

C’est ainsi qu’au centre de la pièce il alla, faire taire dans un geste narquois, la clameur qui montait de la salle à manger…

Devant les gens affairés à boire, à manger ou discourir, il s’inclina à en presque toucher le plancher de son petit bout de nez…

- Gentes Dames, Messires et braves gens, sans oublier vous tous, valeureux aventuriers, je dédie cette chansonnette à la belle Dame, à ma table assise, en compagnie de mon grand ami, Necomortis, un Elfe de grand renom…

S’accompagnant de son luth qu’il décrocha avec une attention parcimonieuse à son épaule, il commença à faire vibrer les cordes trop heureuses de bouger en une plainte lancinante…

Un violon enchanté.

Et de son archet
Sur la fine corde du violon
De sa muse mégère radine
S’essoufflant de sous ses jupes la crinoline
Le valeureux aventurier Nylarad
Glissa son élan vers le rond menton
Du joueur de cordes aux beignets
Saupoudrés de sucre blanc et de pralines.

Et pinça telle une horde de fripons
La rondeur du nerf tendu
Entre les rustres guidons
Servant de corde à linge
À la vieille grognarde de Ginette
Sur laquelle de vieux bas
Suspendus vers le bas
S’envoyait en l’air
Histoire de faire la fête
Finissant de sécher sous le vent
En guise d’un merveilleux mariage

L’emprise d’un gage
Sur le combat qui s’engage
Entre le valeureux préfet
Et son peureux de cadet
Fait piètre figure ola la!

Lorsque telle une fine lame
D’un coup il trancha
De son long couteau
D’une envolée la plume d’oie
Déposée sur l’extravagant chapeau
D’un chic haut de gamme
Ce couvre-chef jadis fleuri
Comme il se doit
Bien rapidement s’envola !
Vers la tête étonnée
De la vieille plissée
De la pauvre Ginette Grognard

Cette cette jeune et jolie damoiselle
Au teint osé de couleurs vermeilles
Et dont le châle de lin et de dentelle
Lui seyait OH ! Ma foi à merveille
Regardait la scène ébahie.

Las et déçu de si peu d’éclat
Le roturier aux aguets
Se pencha une dernière fois
Le cœur blessé et meurtri
Au risque de perdre sa liberté
Vers celle qui caquetait
Et qui bien peu subtilement
Sous son corsage cachait
Sa bourse toute garnie
De piécettes d’or et d’économie
Ramassée avec patience et parcimonie
Dans l’intention d’en faire une dote
Un si beau trousseau
Pour celui qui l’aura chèrement mérité.

C’est ainsi que moi Nylarad
je vantai au près du roturier malade
De la belle Ginette geignarde
Les talents mêlés aux atours les plus beaux…

Necomortis n'eut même pas le temps de répondre à Nylarad qu'une vieille femme se dirigea vers les deux hommes d'un pas lent, sa canne claquant sur le sol de la Taverne. De toute façon il avait perdu l'envie de lui parler, derrière ses airs courtois et joyeux Nylarad faisait transparaître une attitude hautaine. L'elfe fut surpris de la voir s'assoir sans permission alors que les deux personnages étaient en pleine discution. Elle commença son discours avec un vocabulaire que seuls les paysans savent manier et sembla ne prêter attention qu'à Nylarad.

Necomortis la dévisagea le temps qu'elle finisse son interminable phrase et il la trouva bien vive pour une femme de son âge. Son visage était ridé de toute part et son dos courbé traduisait des dizaines d'années de travail. Sa canne était abimée mais il n'eût pas le temps de poursuivre son analyse car Nylarad commença à lui répondre.

Il présenta l'elfe avec un surnom ridicule dont lui seul avait le secret : "Necomortis l’Elfe au regard de rubis". Le voleur le trouva ridicule et encore plus lorsqu'il s'avança pour lui baiser la main. Cette scène frôlait le grotesque et toute la Taverne semblait les regarder. Nylarad était à moitié agenouillé devant la vieille femme.

*On devrait songer à les dessiner. Ce fabuleux couple frôle le ridicule.*

Nylarad se rendit ensuite au centre de la pièce pour fanfaronner devant son public. Necomortis ne prêta pas attention à son récit mais il remarqua quelques figures de styles bien placées qui manquèrent le lui voler un léger sourire.

A la fin de son très long poème, l'elfe se dirigea vers Nylarad. Il plaça sa main droite d'un geste vif derrière la nuque du jeune homme et le tira jusqu'à ce que ses oreilles se trouvèrent à coté de la bouche de Necomortis.

"A la prochaine mon brave homme. Je ne doute pas que vous ayez encore d'admirables exploits à raconter mais ce sera pour une autre fois. Sur ce, je vous laisse avec votre promise."

Necomortis se dirigea ensuite vers la sortie de la Taverne qui paraissait encore calme et attentive au récit du troubadour qui venait de se dérouler.

Nylarad n’eut pas le temps de réagir devant la rapidité du geste de l’Elfe…

Comment peut-il imaginer cette vieille harpie comme ma promise déglutit de dédain le voleur. Il en a du culot et quel arrogance de quitter la taverne sans même me gratifier d’un simple compliment pour la merveilleuse performance que je viens de réaliser…

Voyant l’Elfe se diriger sans même prendre le temps de se retourner pour le saluer, il ne peut s’empêcher de sentir son orgueil piétiné jusqu’à la moelle de ses os… Il en a du toupet d’aller voir ailleurs, si une nouvelle compagnie sera davantage plaisante que la mienne…

Finalement, il fit semblant de se désintéresser de son obsessif penchant narcissique et se tourna jovialement vers la vieille dame…

S’approchant de la table où attendait la vieille chipie heureusement silencieuse, il mit son masque de pitreries pour l‘enjôler de plus belle, espérant bien la détrousser de quelques piécettes…

Mais dites-moi très chère Dame, comment vous a plu ma joyeuse poésie ?

Puis sortant de sous sa cape, une fleur flétrie faite d’une matière douteuse quant à son origine, il la présenta à la vieille en lui faisant ses hommages…

Recevez chère amie cette magnifique corolle en gage de mon amitié sincère… Et osez donc le porter sur votre si beau corsage, il en fleurira l’allure, malgré l’éclat terni par son âge…

Il tira soudainement sa chaise pour s’y asseoir d’un air imbu de lui-même et satisfait de tant de verbiage…

* Non di dju ! C’est qu’il est beau c’petit puceau… Et en disant « Cette cette jeune et jolie damoiselle, au teint osé de couleurs vermeilles » c’était bien à moi qu’il s’adressait ! Bah oui certainement… c’est pas l’vieux Grognard qui m’dit des trucs comme ça. *

L’Elfe partit de la taverne sans même que la p’tite vieille s’en soit rendu compte, elle n’avait d’yeux que pour l’étonnant Nylarad. Quand elle reçu la fleur de la part du Troubadour la p’tite vieille en fût rouge de plaisir.

« C’était une merveilleuse poésie que v’la ! Oué, oué c’était vraiment super… Soit sûre que j’vais r’vnir encore plus souvent. Si, si… »

Elle glissa alors doucement une main ridée vers le bas de son ventre en regardant le troubadour d’un air malicieux. Nylarad crut même voir sa langue lécher ses vieilles lèvres. Elle amena ensuite sa main vers le pantalon du jeune homme et lui glissa 2 pièce d’or sous le pantalon… Puis s’empressa de quitter la taverne, gêné, en regardant une dernière fois le troubadour d’un air triste.

Le rouge monta si vivement au visage de la vieille grognarde, que Nylarad cru qu’elle allait s’évanouir sur le champ… Cela lui redonne un p’tit air de jeunesse que les ans avaient effacés comme un coup de vent imprévu, emportant les feuilles rougeaudes à la saison morte, se surprit-il à songer…

Fort heureux des deux piécettes que la pauvre Ginette lui remit de sous son pantalon… il en oublia presque la raison principale de son retour à la Taverne.

Alors qu’il commençait de boire son dernier quart de bière, sa chope à la main, une fraîche et jolie serveuse entra dans la pièce…

Tous s’affairaient dans la salle à manger bondée de gens. Nylarad à sa table favorite, surveillait d’un œil presqu’inquiet l’instant propice où il pourrait lui demander de l’introduire au près patron, comme Troubadour dans son commerce en général bondé de passants…

La belle grande brune aux reflets soyeux des blés d’or, aux yeux si étranges et merveilleusement rieurs, s’approcha de lui en se dandinant… il saisit l’occasion de quémander une entrevue… Comme si elle avait entendue sa demande silencieuse, elle lui sourit d’une bouche si grande dont les magnifiques lèvres rebondies ne semblaient qu’attendre celle du jeune homme, étourdi de la bière et surtout des effluves que dégageais la belle Déesse…

- Oh ! Mais dites-moi donc chère Damoi...zelle ! se risqua à mâchouiller Nylarad, espérant que la douce, ne voit pas le pouls de son sang battre à sa nuque…Jamais il n’avait rencontré une femme si belle… OH ! Dieu se dit-il ressentant sa braguette s’affoler sous l’assaut de ses sens… Aides moi, je t’en prie à faire ma prière… Je n’veux surtout pas rôtir en Enfer…

Puis il osa faire taire ses peurs, car l’appât du gain accompagné de l’irrésistible pulsion le poussant à satisfaire à tout prix son besoin de plaire… et s’ouvrit à la belle de son immense désir qui le tortillait depuis belle-lurette…

- J’pourrais-t-y rencontrer votre patron ma jolie… C’est urgent ce besoin qui me tenaille, car l’envie d’un travail urgent se fait sentir…comme boute-en-train des lieux je serais très heureux…

Et la douce qui trottine de plus belle vers l’arrière boutique, balançant son arrière train d’une manière si cruelle à ses yeux… qu’il s’en rendit dans l’attente presque malheureux…

Nylarad se mit à transpirer, à suer de partout… Il a si peur de faillir à l’emploi… et pourtant il le sait… il est entre tous le meilleur… et sur les lèvres de ces gens de partout l’on entend, raconter ses exploits et ses chants merveilleux on entend…

En sortant de table… Nylarad racla le plancher noirci recouvert de détritus de tous genres… Maudissant le personnel fainéant en ce qui concernait la propreté de la taverne, il se dirigea vers l’homme derrière le comptoir… Le Tavernier, un travailleur acharné au sourire affable, y trônait comme un Suzerain dirigeant des doigts et des yeux tout son petit monde occupé, clients compris… Cet homme aux manières bourrues se présente alors, essuyant ses mains lourdes de graisse sur son large tablier sali aux couleurs de terre crasseuse… et tend la droite d’un air jovial, car il reconnait Nylarad à l’instant…

- Un p’tit problème me tracasse…, laissa-t-il échapper osant à peine regarder le propriétaire qui le toisait d’un regard interrogateur…

- Et ben … en v’là toute une sale affaire !… En quoi puis-je vous être utile ? renchérit ce dernier sans quitter des yeux la salle qui grouillait toujours d’effervescence…

Rajustant son luth et sa mandoline qui pendaient dangereusement à leur harnais de cuir usé, il s’approcha un peu plus du meuble de bois… Espérant que se taise le brouhaha cacophonique qui montait à ses oreilles… il tendit la main pour serrer fortement celle du tavernier et se pencha vers l’oreille du géant qui se tenait maintenant à ses côtés…

- L’histoire semblerait-être que je n’ai pas une pièce… et derrière mes breloques un succulent gigot d’agneau incomparable, arrosé généreusement d’un pichet de Pissenlit des plus agréable… et…

- Et je suppose jeune freluquet ! que votre bourse ne pèse pas lourd ?

Encore un autre mécrrrréant de saltimmmbanque, maugréât pour lui-même l’homme affairé à tout surveiller…

- Revenez à la fermeture… balance-t-il irrité d’impatience ; tandis que la jeune serveuse au corsage saillant rougissait à son passage près des deux hommes… faisant un geste de la main au Tavernier…

- Ouais ! J’ai compris… encore ce damné de cuistot qui fait des scènes… pensa-t-il... Un de ces quatre… je vais le foutre à la porte, lui et son plumard crasseux… Qu’on me reprenne encore à avoir le cœur plus large que la panse !

Se retournant vivement vers le jeune homme… fronçant des sourcils embroussaillés…

- Surtout ! Ne me faites pas attendre… Si je n’y suis pas… vous n’aurez qu’à demander à voir le Patron… Un de mes subalternes vous ouvrira… au besoin… car des affaires urgentes me chicotent… Vous trouverez de quoi dormir sous les combles…

Courant vers les cuisines… il lui lance accompagné d’un geste de la main…

- N’oubliez surtout pas !… Dernier étage sous les combles… la porte sera ouverte… Et vous commencez demain, en tenue de soirée… la salle sera chaude… alors que vos prouesses soient à la hauteur de mes attentes…

* Nylarad exerce le métier de Troubadour à la Taverne… 10 PAs et 2 po par jour comme salaire…

Le jeune Nylarad, tout enjoué de son métier de Troubadour, sentait une joie fébrile le parcourir dans tout son corps…

La tête pleine d’idées saugrenues et de poésies ensoleillées, il se retourna vivement pour retourner à sa table…

Mais par un heureux hasard, qui s’avéra tout d’abord malheureux, il entra en collision avec la serveuse de ses rêves. Le plateau chargé de mets succulents aux fumets parfumés des épices recherchées, garnis d’herbes alléchantes, se retrouva illico sur le plancher crasseux de la salle à manger…

En trois temps trois pirouettes, le jeune ramassa le tout et déposa le plateau sur un coin d’une table inoccupée. Sans laisser son malaise le gagner, cachant l’éclat rougissant de son teint, il dénoua ses cheveux d’une couleur somptueuse et vint relever la douce encore allongée de surprise entre deux tables…

- Mille excuses ma jolie… L’on ne me reprendra plus à tourner ainsi autour de vos lèvres vermeilles… et sans qu’elle ne puisse réagir, le jeune Troubadour posa goulument ses lèvres charnues sur celles pulpeuses de la belle à moitié évanouie…

Puis il s’empressa de la soulever de terre en la prenant dans ses bras puissants, afin de la reconduire aux cuisines où l’on s’occupera d’elle…

En passant près d’une des tables il y a quelques temps vide, il remarqua un homme à l’allure fière et hautaine… L’instant d’un regard, Nylarad crut reconnaître un vil aventurier au cœur perfide et à l’âme sèche, qu’il avait quelque peu côtoyé en le malmenant de son mieux, il n’y avait pas de cela si longtemps…

Tient, tient, tient… se dit le jeune Troubadour. Que voici l’occasion bénie et rêvée de me venger de cet être ignoble… Il est vrai qu’il a le sang chaud et la verve prolifique… mais ses grands airs dominateurs et ses yeux arrogants, ne me mettent nullement mal à l’aise… Et qu’en cela lui déplaise, je vais lui en boucher un coin…

Marquant une courte pause en passant devant le nouveau venu, il lui jette un regard perçant d’un homme béat… et d’un pas vers lui, alors il baisse la tête de la belle à mourir et la tourne de côté… c'est alors qu'il lui lance, un sourire malicieusement narquois au visage…

- Quelle journée gentilhomme, et quel sinistre présage de vous voir en ces lieux…

Et se tournant vers la serveuse encore étourdie…

- Ne t’en fait pas ma douce jouvencelle, lui jetant un regard éperdu d’un tendre désir… sur ma couche je t’attendrai de sous les combles, car après mon spectacle je serai bien aise, de t’ouvrir la porte de mon cœur, et comme tu me la promises, nous aurons la plus chaude des nuits et de bouillabaises…

C’est ainsi que vers les cuisines, s’en fut le jeune Nylarad, fier comme un coq et convaincu qu’il avait remis la pièce à celui qui s’appelait Sinitraë, s’il s’en souvenait bien.

Alors que son breuvage rafraichissant venait à peine d'arriver, et qu'il ne commençait qu'à peine à le déguster, un être ininterressant, tant par son genre que par sa simple personne, vint se poster devant Sinistraë. Après moults courbettes et moulinets du pied et de la main destinés à se faire excuser d'une manière pitoyable son aussi pitoyable maladresse, il jeta un regard perçant et narquois, sûrement destiné à enerver Sinistraë.

* Je suis sûr d'avoir déjà rencontré ce pitre... Sinistre... Il se croit drôle avec son jeu de mot?...*

Il le laissa débiter son flot de parole coutumier, en en saisissant la moitié la moins futile, puis le regarda s'éloigner. Avant qu'il sort de son champ de vue, il le hela.

- Hola gueux ! Enfin... troubadour, bien que le métier soit le même... Il me semble que parmi ton incroyable et grotesque flot de parole, tu a voulu t'adresser à Sinistraë, avant que ton cerveau de piaf l'oublie. Ma foi, c'est bien vrai que pour quelqu'un comme toi, s'adresser à cette charmante dame dont tu a si bêtement et maladroitement renversé le plateau *Sur ce, l'elfe adressa un charmant sourire à la serveuse* tu pourrait t'abstenir de faire partager à l'assemblée, gratifiée de ma présence, tes projets personnels. D'autant plus lorsqu'ils ne comportent qu'un babillage grossier plein de sous-entendus libidineux.

Il adressa un sourire carnassier à celui qui avait voulu se mesurer à lui en tant qu'adversaire.

- Mais je te salue tout de même. Bien que ma présence te semble être si désagréable pour que ce fut un sinistre présage.

Content de son effet, il termina son monologue sur une rasade de bière qui coula avec un doux bruit de fontaine dans son gosier.

Voyant le sourire charmeur qu’il ose adresser à la serveuse, le jeune voleur s’arrête, soulève un peu plus haut le corps de la belle qu’il porte vaillamment dans ses bras qui se raidissent par l’effort et le sang lui monte au visage…

Tu ne paies rien pour attendre, laisse-t-il échapper à l'adresse de Sinistraë; que déjà il s'en voulait presque de laisser voir qu’il avait bien réussi à le toucher droit au cœur…

Moi un gueux ! Marmonna Nylarad en continuant d’avancer vers les cuisines… Il me tarde de lui faire avaler sa pointue de langue bien pendue à ce morveux de cabotin… Comment oses-t-il me traiter ainsi ?

D’un pied bien porté, il fait balancer les panneaux de bois battant permettant d’accéder à la cuisine et sur un banc y dépose le corps de la jeune serveuse, encore tout amoché…

À ce soir ma douce, lui dit-il, en lui déposant un baiser humide sur la main… Il espérait follement que la serveuse, irait vraiment le rejoindre à la tombée du jour…

Il repassa les portes qui volèrent sur leurs gongs, tant sa rage voulait s’exprimer… Mais il se retient, en chialant intérieurement.

... Et m’empêcher de parler de ma vie… continua-t-il à délirer… Alors là il en a tout un sale toupet ! Et lui qui ne fait que piaffer sur sa beauté légendaire, son beau corps aux formes exceptionnels et tout son baratin au près de la gente féminine… Y’s'prend pour qui ?

Il traversa la salle vers la sortie, sans jeter un regard vers Sinsitraë… Il n’eut qu’un vulgaire coup d’œil vers la belle femme de blanc vêtu. L’aura de calme et de charisme qui se dégageait d’elle, n’influença en rien le jeune Troubadour…

Il avait besoin de solitude et d’air pur afin de calmer ses ardeurs…

Necomortis était sorti de la Taverne et se dirigea vers le marché lorsqu'il l'aperçu : une femme ravissante de blanc vêtue semblait se diriger vers la Taverne avec un air soucieux. Ses cheveux noirs volaient par sa course et son visage lui sembla relativement mystérieux. Elle était magnifique...

Necomortis se retourna à son passage mais la prêtresse ne sembla pas y prêter attention. Elle avait l'air pensive et inquiète, c'est ce que remarqua l'elfe lorsque son doux parfum lui monta aux narines qu'il se trouva comme envouté. Elle ouvrit la porte de la Taverne à l'aide d'un geste gracieux et de son bâton lorsqu'elle disparu dans les profondeurs de ce lieu.

Il fit donc demi-tour bien que sa volonté voulait l'en empêcher et il ne se rendit même pas compte qu'il entrait à nouveau à la Taverne. Il remarqua le troubadour en pleine joute verbale avec un elfe qui semblait hautain et sûr de lui : encore une affaire de femme mais cette fois-ci le troubadour était intéressé par une jolie jeune serveuse et non pas par cette vieille Ginette qui ne s'était même pas intéressée à lui lorsqu'elle le rencontra. Surement que les conteurs étaient plus populaires que les combattants.

C'est lorsqu'il la vis là, postée devant le comptoir du bar pour effectuer une commande, que Necomortis se rendit compte du silence qui régnait sur la Taverne. Tout le monde semblait attiré par cette femme intrigante et songeuse. Necomortis décida de se diriger vers elle bien qu'il sentit que cela était imprudent. En effet la femme semblait réunir une grande puissance en elle et possédait un charisme exceptionnel.

"Bonjour mademoiselle, sans vouloir vous déranger, puis-je savoir ce que vous venez chercher en cette Taverne de Turbino, en plein Isilgardh?"

Necomortis lui sourit calmement bien que son cœur battait de plus en plus fort. Il avait tout fait pour ne pas s'attirer les foudres de la femme mais pressentit qu'il allait passer un moment difficile...

La grande prêtresse tourna lentement sa tête vers l’Elfe.

« Bonjour. Je suis venu ici poussé par les rumeurs qui règnent sur les aventuriers de ce village. J’ai appris que quelques un ont participés à de glorieuses quêtes et même à des combats légendaires dans l’arène. »

Elle poussa ensuite un léger soupir qui en dit long sur la tristesse qui l’accablait.

« Le comte du puissant château de Jilah est gravement malade. C’est lui qui emploie des dizaines de paysans dans les champs alentours pour faire survivre l’économie précaire de cette partie de la carte. Malheureusement, le bon comte est gravement malade et tout cela est remis en cause… Je connais une potion qui pourrait éventuellement le soigner, mais certains de ses ingrédients sont difficiles à trouver et sont placés dans des endroits dangereux. Je suis venu ici pour trouver des aventuriers prêt à trouver ses ingrédients pour sauver le comte. »

L’Elfe sentit ensuite son regard posé sur lui, un regard intense, profond et plein d’espoir.

Necomortis se demandais pourquoi une femme si charismatique et forte avait éprouvée le besoin de recruter des aventuriers pour sauver un comte. La prêtresse semblait désespérée lorsqu'elle lui expliqua la cause de son arrivée : sauver le comte et ainsi l'économie de la région. Elle baissa les yeux et sembla verser une larme lorsqu'elle évoqua la maladie de ce brave homme. Le voleur en fut presque touché.

Elle lança ensuite un regard intense à Necomortis, le genre de regard que n'importe quel homme ne peut refuser à une si jolie dame. Il se méfia néanmoins de l'approche de la prêtresse qui semblait vouloir l'amadouer pour avoir ses services gratuitement.

"Et bien ma brave demoiselle, si tel est votre désir je pourrait vous aider dans cette quête de retrouver ces ingrédients. Néanmoins je suis piètre herboriste donc je pourrais avoir du mal à vous ramener ce que vous souhaiter. "

"Il faudrait aussi discuter des termes du contrat en cas de réussite..."

Necomortis lui lança cette dernière phrase pour bien lui faire comprendre que son charme ne suffirait pas. Comme tout aventurier qui se respecte, il faut gagner de quoi se nourrir et se fournir en matériel.

"Sinon, pourrais-je savoir combien d'aventuriers souhaitez-vous avoir à vos côtés? S'il est si dangereux de chercher ces quelques ingrédients, j'aurais du mal à m'en occuper seul. Bien que je puisse maîtriser quelques brigands à moi tout seul."

Il lui sourit pour la rassurer. La femme semblait désormais un peu moins inquiète.

Sinistraë regarda l'effet que son petit spitch produisait sur le troubadour. Il n'attendit pas bien longtemps. Dès les premiers mots, Nylarad tressaillit de fureur. Il ne se retourna pourtant pas, et continua son chemin en marmonant quelque chose que l'elfe n'entendit pas. Mais il pouvait deviner son agacement à la façon dont le troubadour entra dans l'arrière boutique. Un sourire satisfait éclaira la figure de Sinistraë. Lorsque Nylarad ressortit peu de temps après, la machoire serré, l'elfe crut exploser de rire pour faire partager sa bonne humeur. Mais il se retint.

Alors que le troubadour était sortit, une autre tête entra. Il sembla à Sinistraë qu'il avait déjà vu cette tête. *Encore un aventurier que j'aurait croisé quelque part et qui par ma simple présence aurait été ridiculisé...* Ce dernier se dirigea vers une table où une dame habillée de blanc était assise, l'air noble et sereine, quoiqu'un peu triste. Sinistraë ne l'avait pas vu entré, trop absorbé par son petit combat avec Nylarad. Maintenant qu'il la voyait, il était assez impressioné par l'aura qu'elle dégageait.

Le nouvel arrivant engagea la conversation, et Sinistraë put alors en capter quelques mots, pendant qu'il sirotait sa bière. Lorsque Necromortis eut finit, Sinistraë se leva et alla les rejoindre. Il n'accorda pas un seul regard à l'aventurier, et s'adressa à la dame.

- J'ai entendu dire que vous cherchiez du monde pour vous aider? Peut-être un combattant de plus vous serait utile?